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La Cour nationale du droit d’asile

1. Le juge de l’asile en France : cadre juridique et institutionnel


Pour la mise en œuvre des principes énoncés par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, le législateur a créé, par la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile, d’une part, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), autorité administrative unique chargée de l’application de l’ensemble des textes relatifs à l’asile et, d’autre part, la Commission des recours des réfugiés (CRR), juridiction administrative, à laquelle a succédé en 2007 [1] la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), rattachée au Conseil d’Etat depuis janvier 2009. La Cour assure sa mission avec 12 présidents permanents et près de 80 vacataires.


La loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile a consacré l’autonomie institutionnelle de la CRR jusqu’ici rattachée à l’OFPRA, et l’a renommée « Cour nationale du droit d’asile » (CNDA).


Le rattachement administratif et budgétaire de la CNDA au Conseil d’Etat est effectif depuis la loi de finances pour 2009 (loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008). L’intégration à la juridiction administrative a été renforcée par l’affectation, réalisée depuis le 1er septembre 2009, de présidents permanents, aujourd’hui au nombre de 12, issus des corps des magistrats administratifs (9) et judiciaires (3), dotant pour la première fois cette juridiction de juges professionnels à temps plein, aux côtés du chef de la juridiction, Mme Martine Denis-Linton, conseiller d’Etat et présidente de la Cour depuis le 1er janvier 2009.


Juridiction administrative spécialisée, la CNDA a une compétence nationale pour statuer en premier et dernier ressort sur les recours [2] formés contre les décisions du directeur général de l’OFPRA accordant ou refusant le bénéfice de l’asile, retirant ou mettant fin à ce même bénéfice et sur les décisions rejetant la demande de réexamen d’une demande d’asile antérieure. Elle peut également être saisie des recours en révision lorsqu’il est soutenu que la décision a résulté d’une fraude. En revanche, les décisions de l’OFPRA relatives au statut d’apatride de même que l’ensemble des décisions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, telles que par exemple un refus d’admission en France au titre de l’asile, relève de la juridiction administrative de droit commun.


Première juridiction administrative de France par le nombre de recours enregistrés (27 500 en 2010), la Cour est la seule juridiction dans le monde à comprendre parmi ses membres un représentant d’une organisation internationale qui participe de ce fait à l’exercice d’une mission de souveraineté nationale [3].

Juge de plein juridiction, soumis au contrôle de cassation du Conseil d’Etat, la Cour lorsqu’elle annule la décision de l’Office lui substitue sa propre décision, juridictionnelle, en reconnaissant à la personne concernée le statut de réfugié ou en lui accordant la protection subsidiaire. Elle se prononce en fonction de la situation juridique et géopolitique existant au moment où elle statue. La Cour a aussi une compétence consultative [4]. Elle peut également désormais, comme les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, saisir le Conseil d’Etat d’une demande d’avis sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges [5].

Une protection au titre de l’asile peut être accordée en France sur la base trois fondements juridiques alternatifs.

L’asile constitutionnel se fonde sur le Préambule de la Constitution de 1946 selon lequel « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République » repris par le code de l’entrée et du séjour des étrangers (article L. 711-1).


La Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés [6] prévoit que cette qualité est reconnue à toute personne qui répond aux définitions de son article 1er [7]. L’article 1 A 2 de la Convention définit le réfugié comme une personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Est également reconnu réfugié, de plein droit, toute personne placée sous le mandat du Haut-commissariat des Nations Unies [8]. La reconnaissance de la qualité de réfugié entraîne en France la délivrance d’une carte de résident d’une durée de 10 ans [9]. La Convention autorise par ailleurs le retrait de la qualité de réfugié (cessation) dans un certain nombre de cas, notamment si les circonstances qui ont justifié l’admission de l’étranger au statut de réfugié ont cessé d’exister, l’intéressé ne pouvant plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité.


Le bénéfice de la protection subsidiaire, qui correspond à l’article 15 de la directive 2004/83 du 29 avril 2004 « Qualification » [10], transposée par anticipation, peut être accordé, le cas échéant, au demandeur d’asile lorsque la qualité de réfugié ne peut lui être reconnue sur le fondement conventionnel. Cette protection vise la situation de « toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et qui établit qu’elle est exposée dans son pays à l’une des menaces graves suivantes : la peine de mort ; la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; s’agissant d’un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence généralisée résultant d’une situation de conflit armé interne ou international » [11]. Le bénéfice de la protection subsidiaire entraîne la délivrance d’une carte de séjour de un an, renouvelable [12].

Avec la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile, la protection subsidiaire a remplacé l’asile territorial, qui avait été créé par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile et fait de l’OFPRA le « guichet unique » de la demande d’asile.


2. La demande d’asile en France : aspects quantitatifs et géopolitiques

La France est le premier pays destinataire de demandeurs d’asile en Europe et le deuxième dans le monde après les Etats-Unis. La demande d’asile progresse en outre régulièrement depuis 2007.

En 2010, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides a enregistré 52 762 demandes de protection internationale (apatrides, réexamens et mineurs accompagnants compris), et pris plus de 48 500 décisions dont 5 096 décisions accordant une protection, soit un taux d’admission de 13,5 % (14,8 % pour les premières demandes et 4 % pour les réexamens). Les principaux pays d’origine des demandeurs d’asile devant l’OFPRA sont, par ordre décroissant, le Kosovo, le Bangladesh, la République démocratique du Congo, la Russie, le Sri Lanka, la Chine, la Guinée Conakry, Haïti, l’Arménie et la Turquie.


Quatre pays se détachent nettement parmi les nationalités pour lesquelles les taux d’admission à une protection internationale sont les plus élevés devant l’OFPRA, à savoir le Mali 74,7 %, l’Irak 74,1 %, l’Iran 70 % et la Somalie 69,2 %.

L’OFPRA détermine par ailleurs une liste de pays considérés comme d’origine sûrs au sens de l’article L. 744-1 (2°) CESEDA, qui compte 20 pays au 6 décembre 2011 [13].

Le taux de recours contre les décisions de refus de l’OFPRA est très élevé : 83,9 % en 2010. Le taux moyen d’annulation s’est établi en 2010 à 22,1 % (26,5% en 2009). En 2010, la Cour a reconnu la qualité de réfugié à 17,7 % des requérants (20% en 2009) et a octroyé le bénéfice de la protection subsidiaire à 4,3% d’entre eux (6,5% en 2009).


La Cour nationale du droit d’asile, unique juridiction en France compétente pour connaître du contentieux de l’asile, est une juridiction administrative spécialisée placée sous le contrôle de cassation du Conseil d’Etat.

Son activité connaît une forte croissance. 27 445 affaires ont été introduites en 2010 et 31 983 en 2011 soit une hausse de 16,5 %. En 2010 elle a rendu 23 934 décisions, soit 19 % de plus qu’en 2009, et en 2011 ce chiffre a atteint 34 595 décisions, correspondant à une progression de 44,5 %. Le stock, constitué de 28 822 affaires en 2010, a ainsi diminué de 7,6 % en 2011 pour représenter 26 613 affaires. Le délai moyen de jugement s’est également réduit : de 14 mois et 28 jours en 2010 il est passé à 9 mois et 5 jours en 2011.

Les 20 principaux pays d’origine des demandeurs d’asile devant la Cour sont, par ordre décroissant, le Kosovo, l’Arménie, le Bangladesh, le Sri Lanka, la Russie, la République démocratique du Congo, la Turquie, la Guinée Conakry, Haïti, la Chine, la Maurétanie, l’Algérie, la Serbie, la Nigéria, le Soudan, l’Azerbaïdjan, le Congo Brazzaville, le Pakistan, la Géorgie et les Comores.


In fine, le taux global d’octroi d’une protection – qualité de réfugié ou protection subsidiaire, correspondant la somme des décisions positives de l’OFPRA (5 096) et de la CNDA (5 258) s’est établi à 27,5 % en 2010 conduisant au placement sous la protection de l’OFPRA de 10 340 personnes.

Mise à jour : janvier 2012


Footnotes

[1] Loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile.

[2] Articles L. 731-2 et R. 733-6 CESEDA.

[3] Article L. 732-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) : « La Cour nationale du droit d’asile comporte des sections comprenant chacune : / 1° Un président nommé : a) Soit par le vice-président du Conseil d’Etat parmi les membres du Conseil d’Etat ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, en activité ou honoraires ; b) Soit par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, en activité ou honoraires ; c) Soit par le garde des sceaux, ministre de la justice, parmi les magistrats du siège en activité et les magistrats honoraires de l’ordre judiciaire ; / 2° Une personnalité qualifiée de nationalité française, nommée par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés sur avis conforme du vice-président du Conseil d’Etat ; / 3° Une personnalité qualifiée nommée par le vice-président du Conseil d’Etat sur proposition de l’un des ministres représentés au conseil d’administration de l’office [ministres chargés de l’asile, de l’intérieur, des affaires étrangères, de la justice et du budget]. »

[4] La Cour peut être saisie des requêtes présentées par les réfugiés visés par l’une des mesures prévues par les articles 31, 32 et 33 de la Convention de Genève (assignation, expulsion, refoulement). Elle formule alors un avis quant au maintien ou à l’annulation de ces mesures. Ce recours est suspensif.

[5] Article 99 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité et article 1er du décret n° 2012-89 du 25 janvier 2012 relatif au jugement des recours devant la Cour nationale du droit d’asile et aux contentieux des mesures d’éloignement et des refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile.

[6] Convention de Genève adoptée et signée par la France le 28 juillet 1951, entrée en vigueur en France le 20 septembre 1954, complétée par le Protocole de New York du 31 janvier 1967 (auquel la France a adhéré le 3 février 1971) ; voir, en annexe, article 1er de la Convention de Genève et article 1er du Protocole signé à New York.

[7] Article L. 711-1 CESEDA.

[8] Conformément au statut du HCR adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950.

[9] Article L.742-6 et L. 314-11-8° CESEDA.

[10] Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts.

[11] Article L. 712-1 CESEDA.

[12] Articles L. 742-6 et L. 313-13 CESEDA.

[13] Albanie, Arménie, Bangladesh, Bénin, Bosnie Herzégovine, Cap Vert, Croatie, Ghana, Inde, Kosovo, Macédoine, Mali (pour les hommes), Maurice, Moldavie, Mongolie, Monténégro, Sénégal, Serbie, Tanzanie et Ukraine. Décision du Conseil d’administration de l’OFPRA du 6 décembre 2011 révisant la liste des pays d’origine sûrs.