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Rencontre de Beaulieu-sur-Mer 10 et 11 mars 2006 - Luxembourg

Rencontre annuelle des juges administratifs

Beaulieu-sur-Mer 10 et 11 mars 2006

Rapport luxembourgeois


A. Le cadre juridique

1. En vertu de l’article 49bis de la Constitution, telle que modifié le 25 octobre 1956, « l’exercice d’attributions réservées par la Constitution aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire peut être temporairement dévolu par traité à des institutions de droit international ».

Ainsi, en cas de conflit entre une norme de droit interne et une norme de droit international ayant des effets directs dans l’ordre juridique interne, la règle établie par le Traité doit prévaloir. Cette règle s’impose plus particulièrement lorsque le conflit existe entre une norme de droit interne et une norme communautaire puisque les traités qui ont créé le droit communautaire ont institué un nouvel ordre juridique au profit duquel les Etats membres ont limité l’exercice de leurs pouvoirs souverains dans les domaines que ces traités déterminent.

Aucune distinction n’est faite à ce sujet entre le droit communautaire et le droit international en général.

Il se dégage encore de ce qui précède que les normes de droit communautaire de nature à avoir des effets directs dans l’ordre juridique interne priment par rapport à la Constitution nationale. Il n’existe toutefois pas de décision juridictionnelle à ce sujet.

2. Il n’existe pas de juridiction spécifique compétente pour contrôler le respect du droit communautaire dans l’ordre juridique national. Par principe, chaque administration et chaque organe exerçant des prérogatives de puissance publique est obligé d’assurer, dans son domaine de compétence, l’application correcte du droit communautaire, sous le contrôle des juridictions administratives qui doivent sanctionner le non-respect du droit communautaire par un tel organe. Il n’existe partant pas de différences entre la violation par un tel organe administratif d’une disposition de droit national et la violation d’une disposition de droit communautaire ayant un effet direct dans le droit national. Dans son domaine de compétence, le juge administratif est le seul à exercer ce contrôle, étant donné que le juge constitutionnel est compétent seulement pour vérifier la conformité des lois à la Constitution, et ceci seulement sur saisine d’une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, sous la forme d’une question préjudicielle. Le juge constitutionnel n’a partant aucune compétence pour contrôler le respect du droit communautaire.

3. En principe, la transposition surtout des directives du droit communautaire dans le droit national s’effectue par une loi votée par la Chambre des députés (parlement) et sanctionnée et promulguée par le Grand-Duc. Toutefois, l’exécution et la sanction des décisions et des directives ainsi que la sanction des règlements des communautés européennes en matière économique, technique, agricole, forestière, sociale et en matière de transport se font par règlement d’administration publique à prendre sur avis obligatoire du Conseil d’Etat, après voir demandé l’avis des chambres professionnelles intéressées et reçu l’assentiment de la commission de travail de la Chambre des députés. Sont toutefois exceptées de cette réglementation, qui peut déroger aux lois existantes, les matières réservées à la loi par la Constitution. Ces règlements d’administration publique pourront en outre disposer que les modifications des annexes aux directives peuvent être déclarées obligatoires par règlement grand-ducal.

Il s’ensuit que c’est le pouvoir exécutif, sous la signature du Grand-Duc et la contre-signature du ministre du ressort, qui est compétent, pour les matières ainsi limitativement énumérées, pour assurer la transposition du droit communautaire en droit luxembourgeois.


B. Attitude générale du juge administratif par rapport au droit communautaire

1. Dans la mesure où il existe soit une jurisprudence des juridictions communautaires en la matière soit un texte de droit communautaire suffisamment précis afin que le juge administratif luxembourgeois soit en mesure de résoudre la question de droit communautaire dont il est saisi, il tend à faire application directement du droit communautaire sans recourir à la procédure de la question préjudicielle à soumettre à la Cour de justice des Communautés européennes. Dans le cas contraire, il pose une telle question préjudicielle. En pratique, l’expérience a montré que le juge administratif luxembourgeois pose régulièrement des questions préjudicielles à la Cour de justice.

En ce qui concerne plus particulièrement la Cour administrative luxembourgeoise, en tant que juridiction de dernière instance, il y a lieu de rappeler que celle-ci est obligée de soumettre une question préjudicielle à la Cour de justice à partir du moment où une question d’interprétation du droit communautaire se pose et que ni le droit communautaire ni la jurisprudence des juridictions communautaires ne permet de donner une réponse claire à la question de droit communautaire ainsi posée.

2. D’une manière générale, l’attitude du juge luxembourgeois est très favorable à une application correcte du droit communautaire en droit luxembourgeois et il a l’obligation d’en assurer la primauté par rapport au droit national.

3. Si, dans le cadre d’une instance pendante devant la juridiction administrative, le juge administratif constate la non-conformité au droit communautaire d’une décision administrative individuelle ou réglementaire, et au cas où cette non-conformité n’a pas été invoquée par la partie ayant introduit le recours devant ladite juridiction ou par toute autre partie intervenant à l’instance, le juge est obligé de soulever d’office la question de la non-conformité de l’acte en question par rapport au droit communautaire. Toutefois, au vu de la complexité du droit communautaire dans certaines matières, et en considération du fait que le juge luxembourgeois ne doit pas obligatoirement avoir suivi des cours en droit communautaire, se pose en pratique le problème de la perception par le juge national de l’incidence que peut avoir le droit communautaire dans certaines matières.

4. En cas de conflit entre la Constitution nationale et le droit communautaire, le juge doit faire prévaloir les normes de droit communautaire. Toutefois, un tel cas ne s’est pas encore présenté devant les juridictions administratives.

5. Les jugements et arrêts des juridictions administratives font directement référence non seulement aux dispositions du droit communautaire, mais également aux arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, de la même manière qu’ils font référence aux lois et règlements nationaux ainsi qu’aux jurisprudences nationales. Toutefois, des références à des interprétations données au droit communautaire par une juridiction étrangère n’ont pas encore été faites.


C. Les instruments mis en œuvre par le juge administratif

1. En cas de conflit entre, d’une part, la loi ou un acte normatif national et, d’autre part, un acte normatif de droit communautaire directement applicable en droit luxembourgeois, en raison de son effet direct, le juge doit écarter la norme de droit luxembourgeois au profit de la norme de droit communautaire ainsi applicable.

Dans le cas contraire, à savoir dans l’hypothèse dans laquelle le droit communautaire n’est pas d’application directe en droit national, du fait de ne pas être d’effet direct à défaut d’être suffisamment précis, inconditionnel et se dégageant d’une directive de droit communautaire dont le délai de transposition a expiré, le juge national ne peut que faire application du droit national, même au cas où celui-ci se révèle être contraire au droit communautaire. Dans une telle hypothèse, à part le fait que le Luxembourg risquerait dans une telle hypothèse un procès en manquement de la part de la Commission européenne, seul le législateur luxembourgeois est autorisé à mettre le droit national en conformité avec le droit communautaire.

2. A part les lois, les actes normatifs, et plus particulièrement les règlements grand-ducaux d’application des lois, ainsi que les actes administratifs individuels peuvent être annulés par le juge administratif notamment pour non-conformité au droit communautaire, à condition bien sûr que la requête introductive d’instance est dirigée contre l’acte en question. Par contre, s’il s’avère, au cours d’une instance contentieuse, qu’un acte administratif individuel a été pris sur base d’un acte normatif contraire au droit communautaire, l’application dudit acte normatif sera écartée au profit du droit communautaire applicable.

3. Le juge administratif ne peut donner aucune injonction à l’administration de respecter le droit communautaire. Il est seulement autorisé à annuler un acte administratif individuel pris en violation avec le droit communautaire.

4. Le juge administratif luxembourgeois n’est pas compétent pour des actions en dommages-intérêts dirigées contre l’administration ou le pouvoir exécutif en général. De telles actions ne peuvent être introduites qu’auprès des juridictions civiles.